Triple assassinat de Varagnat
Une tragédie de la campagne Auvergnate qui pourrait faire l'objet d'un livre tant les faits sont liés à la terre .
Les faits se sont passés il y a cent quinze ans en 1906
Quelques erreurs du texte peuvent apparaitre du fait de la difficulté que j'ai eu pour lire certains passages.
Attention quelques images pourront vous choquer
Triple assassinat de Varagnat
L'histoire d'un homme qui s'est marié par intérêt qui finit par un triple meurtre dans le but de récupérer les biens mais la justice est là et à confondu Quatre sous
· Une Nuit tragique dans un Hameau près de Ambert .
Quelle sombre et effroyable scène ce dut être, en la nuit du juin dernier, dans cet humble hameau de Varagnat, perché sur les montagnes rocheuses du Puy-de-Dôme.
Il se rendit tout d'abord dans son écurie où il troqua contre d'autres ses vêtements, puis, s'armant d'une hache de bûcheron, il prit la route de Varagnat, la suite est effroyable tout est expliqué dans l'article
LE TRIPLE ASSASSINAT VARAGNAT
QUATRESOUS, BRUTE SANGUINAIRE, Journal du 29 Novembre 1906
COMPARAIT DEVANT LE JURY
Singulier système de Défense.
-
Un Interrogatoire difficile.
-
La Cupidité d'un Terrien.
-
Un Incident d'Audience.
-
Le verdict
(DE NOTRE ENVOYÉ SPÉCIAL)
Riom, 28 novembre.
A neuf heures précises, la cour fait son entrée. M. le conseiller Clément préside. M. Caron, procureur général, occupe en personne
le siège du ministère public. Me Masse, un
jeune avocat du barreau de Riom, est au
banc de la défense.
L'Inculpé
Joseph Quatresous est introduit On a pu par la photographie que nous en avons donné, se faire une idée de ce triste personnage.
C'est le type accompli de la brute, d'autant plus dangereuse qu'elle est plus sournoise.
Il prend, dès qu'il s'est assis, l'attitude d'un martyr. Il tient ses bras tombants, les mains croisées, la tête penchée, les yeux baissés.
C'est un garçon de vingt-neuf ans, plutôt petit, de constitution peu robuste. Il fut d'ailleurs réformé comme tuberculeux. Son visage, bien que la fausseté y soit peinte, n'est
pas désagréable.
Il a le nez fin, les yeux noirs, une fine
moustache ombrage sa bouche.
Quatresous porte le stigmate de son mal.
Il a les joues creuses, les pommettes
saillantes et plaquées de taches rouges.
Le meurtrier fit de bonnes études. Sa pro-.
bité était à l'abri de tout reproche. Ce que,
par contre, tout le monde a constaté chez
lui, c'est un caractère dissimulé, taciturne»
sournois.
L'accusé est vêtu comme les paysans de
cette contrée pantalon de drap, longue
blouse noire.
On procède rapideme nt aux formalités d'usage, constitution du jury, appel des té-
moins, etc. La lecture de l'acte d'accusation soulève des marques d'horreur.
Quatresous l'écoute sans qu'un muscle de son visage
bouge.
Le village du crime
La maison du drame
La chambre du drame avec la famille Chelle exécutée
La prison d'Ambert
Quatresous conduit à la Maison d'arrêt de Riom
La prison de Riom
Le tribunal
On procède rapideme nt aux formalités
d'usage, constitution du jury, appel des té-
moins, etc. La lecture de l'acte d'accusation
soulève des marques d'horreur.
Quatresous
l'écoute sans qu'un muscle de son visage
bouge.
Un Mariage d'intérêt
Au mois de janvier dernier, ses sœurs,
qui habitent Varagnat, songèrent à le ma rier. Elles le mirent en rapport avec une
très honorable famille de cultivateurs, les
époux Chelle et leurs deux filles. Le projet
d ' épouser l'aînée lui plut, et, bien qu il ne
se sentit aucun penchant, aucune affection
pour cette jeune fille, il consentit à s'unir à
elle et voici pourquoi.
Les futurs beaux-parents possédaient, en
effet, quelques immeubles importants, des
prés, des bois, des terres, du bétail, de l'ar gent et des titres. Or, Quatresous avait un
désir intense, celui de devenir gros proprié taire, et il voyait là une occasion unique de
réaliser son rêve.
Telles furent les circonstances dans les.
quelles il entra en ménage. Est-il besoin de
dire que, dès le début, sa femme fut quelque
peu désillusionné sur son compte et qu'elle
ne put dissimuler à son père sa déception.
M, le Président.
Malgré cela, vous étiez trop
bien accueilli par les époux Chelle. Ils vous con-
sidéraient comme leur fils. et vous comblant
d'attentions.
L'accusé.
Je n'ai rien à dire d'eux, puisqu'ils
ce sont pas là.
Cette réponse provoque quelques murmu res.
M. le Président.
Vous leur avez témoigné'
d'une étrange façon votre reconnaissance. Expli quez à messieurs les jurés pourquoi vous les
avez tués.
Quatresous, peu disposé à parler, mar motte .sur un ton rauque quelques paroles.
entrecoupées par des sanglots et des toussotements .
M. le conseiller Clément retrace alors lui-
même l'effroyable scène que nous avons
rapportée hier. La fin lamentable des époux
Chelle et oelle, si tragique, de la jeune Mar guerite à peine âgée de quinze ans. En
cette nuit funeste, il n'octroya pas moins de
cinquante-neuf coups de hache ses vic times.
A ces souvenirs, l'accusé redouble ses
sanglots, mais, fait que nous ne pouvons taire , son œil demeure sec comme son cœur.
M. le président dit que lorsque le crime
fut découvert, nul ne songea à en accuser le
vrai coupable, tant celui-ci avait su cacher
habilement à tous son abominable dessein.
Ce fut un propos de sa. femme qui mit ta'
justice sur la piste.
Insistant, M. le conseiller Clément invite,
pour la troisième fois, Quatresous à s'expli quer.
Enfin, parlez à messieurs les jurés.
L'accusé se frottant les mains en maniè-
re de contenance, la tête toujours baissée,
déclare
Mais, je n'ai rien à leur dire, je suis
désespéré.
Et sa toux sèche redouble d'intensité. Puis
il ajoute
Mon beau-père voulait emmener ma femme la
veille, J'ai perdu la tête. Je ne sais pas comment
j'ai été capable de commettre un si grand crime:
M. le Président. Ce n'est pas. là le véritable
mobile qui vous a tait agir.
L'accusé. Si. Mes beaux-parents voulaient
reprendre leur fille. Et voilà la cause de mon de-
e spoir.
Le Mobile du Crime
M. le conseiller Clément fait observer qu'il
n'existait pas en réalité entre les deux
époux de dissentiment assez grave pour en-
traîner une pareille mesure. Certes, quel ques scènes légères s'étaient élevées dans
cet intérieur, mais sans justifier pour cela
une rupture.
C'est dans un reproche adressé un jour à.
sa jeune femme par l'accusé, qu'il faut voir
le véritable mobile de son crime.
Tu n'es pas assez riche » lui avait-il dit.
sur un ton de réel reproche.
M. le Président. Vous aviez l'impérieux né-
si.. de le devenir, vous trouviez que votre situa tion n'était pas en rapport avec vos études
vous vouliez avoir, vous aussi, une propriété
vous vouliez acquérir un terrain sur lequel vous
feriez édifier une belle et spacieuse maison. Vous
avez précipité, par un horrible forfait, les évé nements, espérant arriver plus vite Il vos fins.
Vous pensiez, par une véritable aberration d'es prit, acquérir l'impunité, alors qu'il était impos sible à la justice de se méprendre sur le vrai
coupable.
Et M. Clément rappelle les minutieuses
précautions dont s'entoura Quatresous pour
dérouter les magistrats instructeurs.
Avant de terminer cet interrogatoire, le
président tient à faire préciser un point par
l'accusé lui-même.
D. Vous n'êtes pas fou?
R. Oh non s'exclame Quatresous.
D. Vous n'avez pas un aliéné dans votre
famille
R. Je n'en connais pas.
D. Avez-vous, avant le forfait qui vous «st
reproché, commis quelque acte de folie?
R. Jamais.
On traite ensuite quelques questions d'ar gent, et, comme par enchantement, le lan gage de l'accusé devient clair. Ses sanglots
cessent L'interrogatoire prend fin.
Voici les témoins
C'est d'abord le maréchal des logis de
gendarmerie de Meyderolles. Celui-ci, dans
un langage très ému, donne une description
saisissante de l'état dans lequel se trou vaient les malheureuses victimes au mo ment de la découverte des cadavres.
̃ Un Incident
Vient ensuite M. le docteur Duchassaing,
dont la déposition va provoquer un inci dent. C'est lui qui fut chargé de procéder
à l'examen, puis à t'autopsie des corps. Il
a relevé sur celui du père Chelle quinze
blessures, sur celui de son épouse dix-neuf,
et vingt-cinq sur le cadavre de la jeune
Marguerite.
L'assassin a frappé, estime-t-il, avec un
fébrile acharnement, Il est certain, ajoute-
t-il, que Quatresous s'est lavé les mains
après son forfait, car c'était la seule partie
de son corps qui ne fût pas recouverte de
crasse.
M" Massé, avocat, demande s'il n'a pas
constaté une asymétrie du visage de Qua- tresous. Sur la réponse affirmative du mé decin, le défenseur s'empresse de déposer
des conclusions, préparées à l'avance et
tendant à un nouvel examen mental de
l'accusé. Il invoque, pour justifier cette pré tention, l'hystérie à forme impulsive de son
client, son mysticisme religieux, l'insensi bilité dont il a fait preuve devant les cada vres de ses victimes, son insouciance du
châtiment.
M. le procureur général Caron combat
les conclusions.
Il est avéré, déclare- t-il, que l'accusé n'est
pas un dégénéré, et on ne trouve aucune tare
dans sa famille. Lui-même n'a donné, à aucun
moment et à qui que ce soit, impression qu'il
fût un déséquilibré.
Quant à son mysticisme religieux, il n'est, es timent on, qu'apparent. C'est un masque d'hypo crisie, derrière lequel Quatresous essaie de se
dérober. Il n'a jamais aussi. pieux que depuis
son incarcération.
La cour décida qu'elle statuera auprès au dition des témoins.
Le Frère de l'Accusé
On entend alors M. et Mme Quatresous,
frère et belle soeur de l'accusé. (Ceux sont eux
qui eurent l'idée de marier leur frère. Ils dé-
clarent qu'ils n'ont pas de fous dans leur fa-
mille.
Quelques voisins viennent t ensu ite dit«j que
Quatresous n'était; pas aussi dévot qu'il le
prétend.
M. la Présideut. Allait-il à la messe?
Il. Comme tout le monde. (Rires.)
R. Je ne saurais vous le dire .
Mf* Quatresous
Nous arrivons à une déposition sensa-
tionnelle.
Celle de la femme Quatresous qui,
mariée depuis trois mois à peine, perdit
dans cette même nuit du 22 jurn son père,
sa mère, sa sœur et son époux.
Timide, en vêtements de deuil, elle s'ap-
proche de la barre. L'émotion est grande
parmi l'auditoire.
Par un sentiment bien humain, quelle que
soit l'horreur du forfait, elle s'efforce de ne
pas trop charger celui qui fut pendant si peu
de temps le compagnon de sa vie.
Elle rappelle ce qui se passa avant et
après le drame Jamais elle n eut pu croire
à la culpabilité de Quatresous tant celui-c!
était calme. Quand il rentra à une heure du
matin au logis, il lui fournit, avec le plus
grand calme, l'explication que l'an connaît
de son absence. Quelque tristes que soient
les événements auxquels il est fait allusion,
certaines de ses réponses font sourire:
D. Est-il vrai que votre mari avait. te corps
glacé quand il se coucha, près de vous?
R. Non il était bien chaud.
D. avez vous remarqué que votre mari n'a-
vait pas l'esprit bien équilibre?
R. Oh il n'était pas « bredin ».
Cette expression local correspond au mot
d'argot parisien loufoque
Le témoin déclare que si elle a écrit une-
lettre dans laquelle elle déclarait croire à
l'innocence ce Quatresous elle l'avait for-
mulée à la sollicitation de ce dernier.
A ce moment l'accusé se lève et demande
pardon.
Le président ne poursuit pas plus loin ce
douloureux questionnaire,
Après avoir entendu les derniers témoins,
la cour rend son arrêt sur les conclusions
déposées au cours de l'audience par M» Mas-
set, avocat de Quatresous. Ses conclu sions, qui tendaient à un nouvel examen
mental de l'accusé, sont rejetées.
Le Réquisitoire
La parole est alors donnée à M. le procu reur général Carron.
L'organe du ministère publie fait un récit
saisissant de cette nuit du 22- juin à Vara- gnat, cet humble hameau dont le sol n'avait
jamais été, jusqu'à cette époque, ensan- glanté par la main d"un criminel.
Durant de longues années, dit-il, le souvenir
de cette lamentable hécatombe demeurera parmi
ces paisibles populations d'Auvergne. Puisse-t-
elle ne pas créer d'exemptes. Celui qui n'a pas-
craint de supprimer une famille. qui l'avait accueillies bras ouverts, et cela dans le Mit in fâme de s'emparer de ses biens, n'a droit à au- cune considération.
On aura beau invoquer en sa faveur un état
de démence qui n'existe pas, son crime est- sans
exemple; il la accompli avec une froide prémé dîtation, avec une froide cruauté qui ne peut que
soulever l'indignation .générale.
Le châtiment doit donc être à la hauteur du
forfait. Les jurés ne peuvent se laisser prendre
à cette manœuvre de la dernière heure, à cette
évocation de la folie mystique. La peine dé mort
est fa seule sanction pour un crime
aussi épouvantable.
Plaidoirie et Verdict
Dans sa plaidoirie, M* Masse s'est ensuite
efforcé de démontrer que, bien qu'il
n'existe aucune tare dans, la famille de Qua-
tresous, celui-ci n'en est pas moins un im pulsif. Tuberculeux, il fut réformé.
Son crime est horrible mats il ne se com- prend pas, il ne s'explique pas ai l'on n'ad met pas la folie passagère due à un orga nisme défectueux et le défenseur invoque
la haute compétence du médecin aliéniste.
Il termine en implorant la pitié des jurés.
La peine de mort est indigne de notre épo que elle va,. d'ailleurs, être prochainement
biffée de notre code. « Accordez, dit-il, cré-
dit à mon client, et vous ferez. œuvre de
pitié.
Le jury, après délibération, accorde les
circonstances atténuantes, et Quatresous
s'en tire avec les travaux forcés à perpé tuité. Que les victimes reposent en paix?