C’est la lecture de ce formidable récit de guerre de Maurice Genevoix “Ceux de 14” qui m’a donné envie de retourner à Verneix, dans la haute vallée du Cher, revoir cet obusier allemand, un “77”, rival des “75” français, datant de la Guerre de 14, et déposé, presque en ruine, sur la place de l’église, près du monument aux morts. Ma première surprise fut de trouver une pièce d’artillerie en bien meilleur état que naguère, les roues et les bancs des artilleurs restaurés, repeinte, et protégée sous un abri avec une notice explicative relatant l’histoire de l’arme.
A Verneix, on sait prendre soin du Patrimoine.
La seconde surprise, c’est le nombre des noms gravés dans le marbre pour une si petite commune: 57 hommes tombés au feu, soit une hécatombe de jeunes et de moins jeunes hommes, le temps du premier conflit mondial. Aucun nom de victime de la Seconde guerre mondiale, ni des guerres de décolonisation, n’a été rajouté.
Il n’est pas dans mes habitudes de piller le travail de mes confrères, aussi, même s’il est anonyme, je remercie l’auteur de la notice de replacer le canon dans son contexte historique. La commune, particulièrement frappée, a reçu de l’état, en gage de reconnaissance de la nation, cet obusier allemand, trophée dérisoire d’un conflit absurde dans lequel la jeunesse de la terre où je vis a laissé son sang et sa chair, comme si quelques centaines de kilos d’acier et de bois pouvait faire oublier les larmes des épouses et des mères de ces pauvres gens.
Devant ce canon, on évoquera des valeurs de patriotisme, on fera un travail d’historien des armées ou la promotion du patrimoine local. Qu’il me soit permis de mettre sur le plateau le plus léger de la balance la valeur la plus lourde, celle de la vie de tous ces pauvres types balayés par l’acier adverse, quelle que soit leur nationalité, qui ne sont plus que des noms dans la pierre.
Que leur mort nous serve à préserver la Paix.